Outre les paysages de rêve, et l'accent où l'on rrrrroule les r, qu'y a-t-il de plus typique en provenance de Polynésie Française ? Réponse : la vanille et la perle ! Cela tombe bien, car notre deuxième escale faisait la part belle à ces deux spécialités polynésiennes. Le nom de Ra’iātea s'analyse clairement à l'aide du tahitien, ra’i signifiant « ciel », et ātea, « clair et dégagé », faisant référence aux nuages clairsemés, typiques de l'île pour les navigateurs polynésiens. Si Ra'iātea est une île sacrée pour les Polynésiens en raison de ses racines historiques, sa petite sœur Tahaa est une île bénite pour les pâtissiers, glaciers, et autres inconditionnels de la vanille.
Ra'iātea est la deuxième plus grande île de l'archipel des Sociétés, elle est entourée d'un lagon, comme sa voisine, Tahaa. Nous avons emprunté un petit avion pour faire la liaison depuis Tahiti. Les vols étaient parmi les plus courts de ceux que nous avons eus à faire pendant notre voyage, mais loin d’être les plus abordables. Pour se déplacer entre les deux îles, une seule solution : il faut utiliser le bateau, comme ce taxi-marin en haut à gauche.
Nous avions réservé une journée à la découverte des spécialités des deux îles, nommée l'excursion bleue. Le programme était le suivant : cap sur Tahaa, visite d'une exploitation perlière, visite d'une vanilleraie, 1er snorkeling, déjeuner, 2ème snorkeling et retour au bercail. La visite de la ferme perlière commença par l’arrêt devant ce stand où les greffeurs inspectaient les huîtres. Les perles les plus réputées de Polynésie proviennent principalement des archipels des Tuamotu et des Gambier, mais on trouve quelques exploitations sur Tahaa.
Comment se forment les perles ? Par la main de dieu ? Pas tout à fait. Lorsque le greffeur intervient lors d'une session de greffe, il introduit dans la gonade de l’huître perlière deux éléments naturels : un nucleus, la petite boule ronde de nacre venant d'un mollusque vivant dans le Mississippi ou d'une nacre de Tahiti, et un greffon, un petit bout du manteau de l'huître (la partie noire). Ce manteau contient les cellules nacrières qui vont fabriquer la nacre. Si l'huître garde les deux éléments, alors le perliculteur obtiendra une perle de culture. L'huître peut également rejeter le nucleus et ne garder le greffon dans sa gonade. Alors dans ce cas-là, le greffon va « s'auto-fabriquer » des couches de nacres successives puisque c'est lui qui est le fabricant de nacre. Cela va former ce qu'on appelle un keshi de Tahiti. La forme de ce keshi est très souvent biscornue, car le greffon n'a plus de support rond sur lequel fabriquer de la nacre. Il n'est donc composé que de nacre, comme l'étaient les perles fines que les plus chanceux trouvaient dans des huîtres sauvages, il y a de cela fort longtemps. Une durée d'immersion après greffe d'au moins 18 mois pour les perles et 2 ans pour les keshis doit être respectée pour obtenir une taille minimale de 0.8mm. Vous pouvez voir le nucleus sur la photo de droite, avec cette vue d'une perle noire coupée.
Vous l'aurez compris, la culture de la perle est une histoire de patience. La valeur des perles est déterminée par leur forme (symétrie), leur brillance, leur taille, leur couleur. Les perles sont divisées en huit formes de base : rondes, semi-rondes, bouton, goutte, ovale, poire, baroque, baguée. La brillance (ou lustre de la perle) est le plus important des critères pour juger de la qualité d'une perle, surtout pour les joailliers ; mais plus la perle est grosse, plus elle se vend cher. Il existe deux grands systèmes de classification des perles, le système ABCD (système de Tahiti), classant les perles de A - celles ayant le moins d'imperfection - à D - celles en ayant le plus, et le système AAA-A (standard très utilisé car celui du Gemological Institute of America). Le AAA correspondrait au A du système Polynésien, même si ce dernier se concentre sur la perfection uniquement, là où le système américain englobe plusieurs critères (forme, lustre, surface).
Les huîtres sont sensibles à la température de l'eau, à leur environnement, et le futur n'est pas rose. En effet, la hausse des températures de l’Océan pourrait entraîner la mort des huîtres perlières « pinctada » au delà des 34°C. L’huître perlière connaît son meilleur fonctionnement physiologique à 28°, son optimum. Afin d’anticiper une éventuelle crise économique et écologique, plusieurs solutions sont envisagées. Une de ses solutions serait de déplacer les fermes perlières et la production dans le sud de la Polynésie, aux îles Australes. Mais on se rend bien compte que cela ne ferait que retarder le problème.
L'autre danger immédiat provient de la montée en puissance des perles chinoises, cette production ayant réalisée d'importants progrès en termes de qualité. Souvent les fermes de perliculture d'Akoya en provenance de Chine privilégient le rendement. C'est la raison pour laquelle elles jouent la carte de la quantité, et leurs côtes très importantes sont un atout majeur pour s'étendre dans les eaux territoriales pour la culture des huîtres perlières. Résultat, les récoltes sont importantes, et les acteurs Chinois n’hésitent pas à vendre des perles de petite taille, parfois même à des acheteurs Japonais peu scrupuleux, revendant ces perles sur le marché nippon sous l’étiquette 日本製 (Nipponsei, Made in Japan).
Quittons le monde de la perle pour trouver l'une des meilleures vanille au monde, la vanille tahitienne. La vanille est une épice constituée par le fruit de certaines orchidées lianescentes tropicales d'origine mésoaméricaine, du genre Vanilla, principalement de l'espèce Vanilla planifolia. Celle de Tahiti s'appelle Vanilla tahitensis et serait un hybride entre Vanilla planifolia et une autre espèce proche de Vanilla odorata. Les gousses sont larges, épaisses, la robe ridée et la couleur marron foncé plus ou moins mâte. Le taux de vanilline est également moins élevé (entre 1,3 et 1,8%) que chez la Vanilla planifolia. Son arôme particulier lui est conféré par les molécules anisées (faibles ou absentes chez V. planifolia). Son taux d'humidité est plus important que les vanilles « Bourbon ». Elle est très justement considérée comme « la » vanille, celle des grands chefs, sa texture et ses arômes la rendant incomparable et atypique. Cette vanilleraie utilisait la méthode de production traditionnelle à l'air libre, par opposition à celle réalisée sous ombrière. La pollinisation se fait avec la main de l'homme, et une fois la gousse mûre, elle ramassée puis fait des aller-retours entre passages au soleil sur de la taule, et grands sacs de jute enfermés dans des caisses en bois, où elle est se retrouve dans une sorte de sauna naturel. Cet échange so-sau (soleil-sauna) est long, mais il permet à la vanille de s'affiner progressivement et de conserver tous ses arômes. On arrive à des gousses de vanille très charnues et parfumées, bien plus grosses que les espèces de cotons-tiges filiformes et secs que l'on trouve en grande surface.
C'est du coup une vanille de luxe car elle est rare et très chère. Fin
décembre 2015, les prix de vente au grand public ont dépassé les 500€ le
kilo. Nous en avons acheté sur place, pour des prix plus intéressants mais quand même : 16€ les 50g à gauche, 37€ les 100g au milieu, et 83€ les 200g de droite. Pour les prix au kilo, cela donne respectivement 320€, 370€, et 415€. Le producteur nous expliqua que sa vanille était quasiment exclusivement achetée par le circuit des professionnels de la restauration, pouvant mettre le prix pour acquérir ces bâtons d'exception. Il nous révéla que sa vanille pouvait être utilisée plusieurs fois, sans toutefois perdre sa force arômatique, en ne la coupant pas en deux, mais en la laissant simplement s’imprégner du lait pendant la cuisson de la recette des œufs au lait par exemple. Nous venions de faire l'acquisition de la meilleure vanille qu'il nous ait été donné de goûter, la véritable perle rare.
Avant notre pause déjeuner, nous avons été voir du côté de chez shark lors d'un snorkeling mémorable dans les eaux peu profondes au large de Tahaa. Cela grouillait de requins à pointe noire !
Quelques raies pastenague passaient par là également, probablement attirées par tous ces remous provoqués par les requins. Le soleil alternait des plages de présence, puis de longs moments d'absence, donnant des photos parfois un ton en dessous de ce qu'elles auraient pu rendre tant la visibilité était bonne.
Depuis le bateau, on se rend vraiment compte que l'on est encerclé par les requins, tout aussi inoffensifs que curieux. Pas question toutefois de les prendre à la nage, et ce même avec des palmes aux pieds.
Après un copieux repas, et une légère sieste qui servit d'open bar aux redoutables moustiques polynésiens, nous nous sommes remis à l'eau pour le deuxième snorkeling de la journée, dans une sorte de passe, entre deux îles. L'eau était transparente, et pour une fois les couleurs ressortaient sur les photos.
Nous avons revu de grosses murènes javanaises, toujours avec le même air commode qui les caractérisent. Depuis notre passage au lagoonarium de Moorea, j'ai appris à m'approcher de ces bêtes au regard féroce mais au cœur tendre, jusqu’à pouvoir les caresser.
Le jardin de corail proposé était tout simplement magnifique, et toutes les couleurs possibles et imaginables se fondaient dans le décor. Ce corail violet par exemple, était incroyable.
Bien entendu, les poissons étaient au rendez-vous, même s'il fallait parfois aller les chercher ou rester patiemment posté au dessus d'un amas de coraux pour les voir sortir, comme ce tout petit poisson coffre jaune (Ostracion cubicus), alors qu'un poisson-papillon à selles voulait lui aussi être sur la photo.
Surprise lors de ce snorkeling, avec un invité que nous avions commencé à voir en Nouvelle-Calédonie et qui depuis ne nous lâchait plus. Le voyez-vous ? Sinon, rendez-vous dans les bonus :)
Et revoici les poissons-ballons, aka les tétraodontidés, dans deux déclinaisons différentes du Arothron meleagris: la version sombre sur le gauche (guineafowl puffer, le poisson ballon pintade), et sur la droite, la version dorée. Et dans les deux cas, on retrouve cette vilaine bobine de poisson pas commode.
En s'approchant des coraux, nous pouvions voir des colonies entières de petits poissons, comme ces demoiselle à trois bandes noires, appelées Dascyllus aruanus ou encore Whitetail dascyllus dans la langue de Shakespeare.
Et en prenant le temps, tout en étant curieux, on tombe parfois sur de jolies choses, comme ce petit oursin crayon, niché dans une cavité. Petit, petit, petit oursin rose !
Pour la première fois, nous avons participé à du feeding, cette session de nourrissage, populaire pour les requins et les raies, mais depuis peu interdite en Polynésie. Nourrir des poissons avec une banane, en voici une drôle d’idée. Nous étions plus captivé par l'attrait de cette dernière pour les poisson-papillon à selles - blackwedged butterflyfish (Chaetodon falcula), que par sa potentielle nuisance dans leur chaîne alimentaire.
Le deuxième jour, nous avons pris part à une autre sortie pour la journée, avec cette fois-ci un accent sur les aspects culturels de l’île. Nous avions rendez-vous avec notre guide Polynésien pour une journée en bateau, à sillonner l’île de Ra'iātea sans sortir du lagon.
Cela ressemble à un fruit hybride entre des pommes de terre et pomme de pin, et ce n'en est rien puisqu'il s'agit du nono, autrement appelé pomme-chien. Son petit nom scientifique est Morinda citrifolia et « noni » est l'appellation commerciale courante du jus extrait de la pulpe du fruit, plus vendeur que « no-no » pour les populations anglophones. Le nono renfermerait, selon un petit groupe de chercheurs américains, des substances pouvant retarder le vieillissement de la peau, les inflammations arthritiques, ou protéger l'organisme contre les maladies dégénératives telles que le cancer. Néanmoins, ces « vertus » du jus de nono sont controversées, et l'Union Européenne ne lui a pas accordé d'agrément pharmaceutique ni d'allégation de santé. Elle a autorisé la vente de jus de fruit au noni, mais la publicité arguant de propriétés médicinales lui est interdite en Europe. Notre guide nous expliqua comment le noni lui évita une opération chirurgicale en raison de ballonnement. L'arbre et son fruit sont toujours utilisés comme plante médicinale dans la culture traditionnelle polynésienne.
Quel drôle de jardin avec plein de cailloux dans le sol. Il s'agit d'un des fameux marae de Ra'iātea, celui de Taputapuatea. Les marae étaient des espaces réservés aux activités cérémonielles, sociales et religieuses des anciens polynésiens. C'était l'endroit où les prêtres et les navigateurs de tout le Pacifique se retrouvaient pour offrir des sacrifices aux dieux et partager leurs connaissances des origines généalogiques de l'univers, ainsi que de la navigation au grand large.
Lieu de culte des ancêtres et des divinités, il était un espace de rencontre entre les hommes et les puissances de l’au-delà dont il importait de se ménager les faveurs. Les cérémonies religieuses qui s'y déroulaient donnaient lieu à des prières et des invocations aux ancêtres ou aux divinités, ainsi qu'à des sacrifices.
Le marae était également le reflet de l'organisation des sociétés polynésiennes anciennes, hautement hiérarchisées. Selon certains auteurs, le rôle social du marae aurait existé antérieurement à leur attribution sacrée. Les marae étaient de ce fait des enjeux de pouvoir politique et religieux entre les chefferies. En Polynésie, habiter dans le marae était déjà très tendance bien avant le quartier parisien.
Après notre tour dans le marae, nous sommes retournés sur le lagon, pour longer la barrière de corail. C'est assez unique comme paysage, cette barrière agissant comme un véritable mur naturel contre les vagues puissantes du large, et aussi comme une délimitation avec les profondeurs.
De retour à quai en fin de journée, nous sommes passés devant cela : saurez-vous dire à quoi cela peut bien servir ? Encore une fois, rendez-vous dans les bonus pour la réponse :)
Lors de notre dernier jour, nous fîmes une marche dans la verte montagne voisine, à la recherche des 3 cascades. Nous avions pour compagnon Harry, un guide qui nous voulait du bien, son chien ainsi qu'une famille de français travaillant en Nouvelle-Calédonie.
La marche fut longue, le chemin sinueux, voire parfois même dangereux, comme pour accéder à cette cascade, au dessus de la première. Descendre en rappel avec une vieille corde, tout en glissant sur la paroi humide en pierres, le plein de sensations avant de prendre un bol d'eau froide dans cette même cascade. La vue sur la vallée, nichée entre les montagnes, valait bien ces émotions.
Notre séjour sur Ra'iātea touchait déjà à sa fin, notre dernière étape polynésienne se profilait à l'horizon. Venez, on vous emmène du côté de la mystérieuse Bora Bora. A défaut de vous mettre une chanson polynésienne, voici la chanson Ya Rayah de Rachid Taha (1997), le bien nommé pour illustrer ce post.
Déjà paru sur la Polynésie Française : TDM 07 French Polynesia - La loi de Mo'orea (1/4)
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