dimanche 4 juin 2017

TDM 08 Easter Island - Il n'y a que moaï qui m'aille (1/3)


Un tour du monde ne serait pas vraiment un tour du monde sans visiter des destinations exotiques. L'Inde, le Laos, l'Australie, la Nouvelle-Calédonie sont des endroits atypiques, mais pas autant que Rapa Nui, l’île de Pâques, une île microscopique de la taille du Liechtenstein, perdue à des milliers de kilomètres au beau milieu de  nulle part dans l’océan Pacifique. L'île doit son nom au navigateur Hollandais Jakob Roggeveen qui y accosta avec trois navires au cours d'une expédition le dimanche de Pâques en 1722, et dans une inspiration géniale l’appela Paasch-Eyland (île de Pâques). Passant par l'Australie, puis par les territoires français du Pacifique, Rapa Nui se trouvait sur notre chemin pour nous rendre en Amérique du Sud. Cela aurait été dommage de passer si près sans s’arrêter pour voir les moaï. Nous vous emmenons à la découverte d'une civilisation pleine de mystères, qui pour beaucoup sont encore inexpliqués.


Jamais une île n'a aussi bien porté sa racine latine, insula. Elle se trouve littéralement loin de tout, quelque part dans le Pacifique, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle est isolée puisque les premières terres habitables sont à plus de 2,000kms à l'Ouest (Pitcairn), quand le continent est relégué à 3,500kms à l'Est. Le drapeau de Rapa Nui est aussi énigmatique que la destination elle-même. Il représente l’île, en forme de demi-lune rouge sur fond blanc. Les armoiries reprennent l’autre symbole des lieux, la divinité Make-make. Démographiquement, on est plus proche d’un village que d’un pays, l’île comptant environ 6,000 habitants, dont plus de la moitié dans la capitale Hanga Roa. A la lecture de ces chiffres, on se demanderait presque où se cachent la moitié restante, puisqu’Hanga Roa est la seule ville de ce territoire de 163km². Étant une province rattachée au Chili, la monnaie utilisée ici est le Pesos Chilien.


L’île s'explore de plusieurs manières et nous avons utilisé trois moyens de locomotion différents : la marche, le vélo, et la moto. Certaines parties de l’île ne sont pas accessibles aux véhicules motorisés et la randonnée ou la balade équestre sont les seuls moyens de parcourir la côte Nord. Vous pouvez voir l’itinéraire que nous avons suivi grâce aux formes géographiques de couleur sur la carte.


L’aéroport de Mataveri est desservi par une seule compagnie, LATAM Airlines avec un vol quotidien depuis Santiago du Chili, et un vol hebdomadaire depuis Tahiti, que nous avons emprunté. Finis les hubs gigantesques asiatiques, nous sommes dans l’aéroport de proximité.


Notre première journée bien entamée par notre arrivée en fin de matinée et le décalage horaire avec la Polynésie Française (nous avons fait un bon en avant de 5h en atterrissant), nous avions prévu de nous promener « en ville » et de déambuler à pied dans la paisible Hanga Roa. Le temps était magnifique, et cette piscine naturelle près du port incitait à la baignade, malgré une température de l'eau proche de nos plages bretonnes. Après avoir goûté aux eaux tropicales indonésiennes, australiennes, calédoniennes et enfin tahitiennes, nous avons fait nos poules mouillées et sommes restés bien au sec. Un petit peu plus loin, des surfeurs en combinaison s'amusaient sur de belles vagues bleues déferlant régulièrement sur le rivage.


Premiers pas sur le sol pascuan et premiers moaï en vue !


Le site de Tahai est le premier lieu que nous avons visité, avec ses 5 moaï tournant le dos à la mer. Vous pouvez mesurer les ravages du temps sur les statues, et au passage ceux des hommes, les ayant haïes après les avoir adorées, pour enfin les restaurer en 1974. Le collier de ciment des deux statues de gauche est une coquetterie dont les archéologues modernes arrivent désormais à s'affranchir.


Le lendemain de notre arrivée, nous commençâmes notre exploration la tête dans le guidon en enfourchant des vélos de location, direction l'autre bout de l’île. Autant vous dire que nous n’étions pas dérangés par le trafic routier, nous partagions la seule route avec quelques voitures de temps en temps, sous les yeux de chevaux en semi-liberté. Après tout, pourquoi clôturer des chevaux sur une si petit territoire ?


Premier site visité sur la baie de La Pérouse, Ahu Nau Nau. Ce lieu est l'un des plus importants de l’île puisque ce serait ici que, selon la légende Ariki (le roi) Hotu Matu’a aurait débarqué en provenance du magnifique continent appelé Hiva. Une nuit, le roi aurait reçu un message dans son sommeil, l'informant que son territoire serait englouti et qu'il devait trouver un nouveau territoire pour son peuple. Le lendemain, conseillé par des voyants, le roi envoya 7 explorateurs à la recherche d'une nouvelles terre pour vivre et faire pousser du yam (de l'igname en français dans le texte), aliment de base de leur nutrition. Après plusieurs jours en mer, les 7 explorateurs arrivèrent sur une petite île vierge de civilisation, leur paraissant habitable et cultivable. Ils laissèrent du yam, un moaï, un collier de perles ainsi qu'un explorateur, avant de regagner Hiva pour en informer le roi. Hotu Matu'a mit sur pied une flotte de deux puissants navires avec sa femme, sa sœur, et une centaine de ses semblables. Depuis ce moment, l’île fut appelée Te pito o te henua, signifiant « the navel of the world », le centre du Monde.


Un moaï sans son couvre-chef a la tête bien plate, il faut l'avouer. Après avoir atteint la côte Est de l’île et dégusté la meilleure empanada de notre voyage (nous en reparlerons), nous sommes revenus sur nos pas à l'aide de nos vélos. Cette photographie a été prise sur la plage d'Anakena et ce moaï fut le premier redressé par le restaurateur Thor Heyerdahl en 1955.


Le troisième jour, nous avons combiné plongées et balade à pied, partant de notre camping pour aller sur le site d'Orongo, au Sud-Ouest de Rapa Nui. Nous avons emprunté un sentier partant de la maison des rangers où l'on peut se procurer le pass pour visiter les sites protégés de l’île. Vous pouvez rendre visite aux moaïs autant de fois que vous le souhaitez, mais le site d'Orongo et celui de la carrière de Rano Raraku ne sont accessibles qu'une seule fois.


Orongo est un village de maisons en pierre qui est situé en bordure de cratère du volcan Rano Kau, donnant sur la mer. En son centre, des marécages intactes car préservés du pied de l'homme, offrent aux photographes en herbes (hautes) un spectacle inoubliable. Chaque année, un rituel prenait place à cet endroit pour honorer la divinité Make-make. les hopu, représentants de chaque clan, sautaient à la mer depuis la falaise d’Orongo, et nageaient à l’aide d’une gerbe de roseaux jusqu’à l’îlot Motu Nui, où chaque hopu se postait auprès d’un nid de sterne Mahoke, dite sterne fuligineuse en français.


La volonté de Make-make se manifestait par l’ordre de ponte des œufs : le hopu qui, le premier, voyait pondre la sterne femelle qu’il avait choisi, devait ramener l’œuf à l’ariki nui (« grand guerrier », le roi de l’île). Cet unique œuf recueilli, tout le monde rentrait sans conflits. Selon la tradition orale recueillie par l’explorateur Alfred Métraux, Make-Make désignait ainsi parmi les hopu le Tangata manu : « l’homme oiseau » qui était, pour un an, l’arbitre des conflits entre clans sur l’île de Pâques. À ce titre, il était neutre et sacré. Le missionnaire Eugène Eyraud assista en 1866 au dernier rituel de l’« homme oiseau ». Du haut d'Orongo, on voit le Motu Nui (au fond), le Motu Iti (au milieu), ainsi que le Motu Kao Kao (au premier plan). Le bleu Klein de l’Océan Pacifique fait ressortir ces pointes de terre au milieu d'une immense mer.


Le lieu fournit plusieurs indications expliquant le mode de vie des autochtones, leurs croyances, et la symbolique de ce village en bord de falaise. Point de Gaulois cette fois-ci, mais la température de l'eau peut faire penser au village qui résista pendant de longues années à l'envahisseur romain.


Des maisons en pierre de petite taille font face à l’océan. Le site est bien délimité afin de préserver au mieux ces vestiges du passé du tourisme de masse.


Sur certains rochers, on peut voir des pétroglyphe à l'effigie de Make-make, représenté comme un homme avec une tête de sterne.


Pour notre quatrième jour, nous avions prévu d'explorer la côte Est de l’île en moto, avec comme point d'orgue la visite de la carrière des moaï. Sur le chemin se trouvaient de nombreuses statues, dont certaines d'entre-elles non restaurées et laissées telles quelles volontairement par les conservateurs de l’île.


Si les sites principaux étaient dotés d'explications en espagnol et en anglais, la plupart des autres lieux ne disposaient pas d'informations, laissant planer le mystère pour les visiteurs devant jouer les devins pour comprendre le sens de ce qu'ils avaient devant eux. Une pendule moaï solaire ? En voilà une drôle d'idée !


Et pour ce qui est des questions que l'on se pose en découvrant cette île, on peut dire que plus on la parcourt, et moins on trouve de réponses tant elle semble unique. La beauté des paysages participe grandement à planter le décor, comme ici avec de simples statues massives devant un littoral fouetté par de puissantes vagues.


Clou du spectacle, la visite du site de fabrication des moaï au pied du volcan Rano Raraku. Le temps n’était pas des plus clairs, et nous nous pouvions nous attendre à voir surgir des nuages, une soucoupe volante déposant une nouvelle statue.


Les explications sont assez sommaires mais le lieu à lui seul suffit à vous envoûter. Ça et là émergent des moaï de terre, répartis de manière aléatoire sur le flan du volcan.


Ce volcan créé une carrière naturelle idéale pour sculpter ces imposantes statues de pierre. Un petit sentier sillonne le site et permet de voir les différents moaï de la carrière.


Un moai inachevé semble se reposer, allongé paisiblement au creux du volcan. Il aurait été le plus grand de l’île, avec des mensurations vertigineuses : plus de 22 mètres de long pour un poids estimé à 160 tonnes. Une belle bêste !


Toujours ce regard énigmatique et cette sorte de duck face.


De face, de côté, de profil, de 3/4, de plein pied, on ne se lasse jamais de prendre en photo ces moaï.


Malgré les quelques explications fournies par un guide, nous en sommes repartis avec plus de questions que de réponses.


Dernier site emblématique, l'Ahu Tongariki et ses 15 moaï, faisant de cet ahu le plus grand de l’île. Le deuxième moaï en partant de la droite est coiffé d'un pukao une sorte d'ornement fait en pierre volcanique rouge. Le plus imposant moaï est ici, en 5ème position en partant de la droite. Du haut de ses 86 tonnes, il est le plus lourd jamais érigé sur l’île.


Malgré la popularité de l’île, son éloignement en fait un lieu connu mais peu couru, ce qui est bien pratique pour les photographies. L’aridité du sol pascuan est une autre des particularités de l’île, boisée à moins de 15%.


Une dernière photo pour la route et nous enfourchions notre moto pour rentrer à Hanga Roa.


Sur le chemin, nous fîmes un arrêt au cœur des terre pour aller voir l'Ahu Akivi représentant les 7 explorateurs venus en éclaireurs sur l’île de Pâques.


Vous devez sûrement être stone comme ce moaï à l’idée que l'article se termine déjà après autant d'attente. Heureusement, quand il n'y en a plus il y en a encore, et je vous donne rendez-vous dans le deuxième volet de nos aventures, TDM 08 Easter Island - Danses traditionnelles, ballet aquatique et paysages féeriques (2/3).

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