lundi 5 août 2013

Haze-pocalypse now in Singapore


C'était il y plusieurs semaines maintenant, mi-juin Singapour était frappé par une sorte de couvre-feu imposé par le voisin Indonésien. Le "haze" ou brume sèche, est un voile fortement désagréable qui recouvre la ville, particulièrement visible pendant la saison sèche (mai-septembre). La raison de ce cauchemar ? Les incendies criminels sur l'île de Sumatra avec deux motifs principaux :

1) La jachère ? Connais pas ! 
L'Indonésie comme la Malaisie fait partie des premiers producteurs au monde d'huile de palme. Pour faire de l'huile de palme, il faut donc des palmiers. Et quand ils ont coupé tous les palmiers pour leur récolte, au lieu de déraciner les souches ils mettent le feu à des hectares de plantations. Sauf qu'ils font quasiment tous cela, donc les hectares du propriétaire terrien A + les hectares du propriétaire terrien B =mc² (et cela n'a rien de relatif). Les incendies génèrent des fumées toxiques car pleines de très fines particules que nous inhalons en respirant.

2) Une forestation, des forestations... déforestation !
Si le Brésil abrite le poumon de l'Amérique du Sud, l'Indonésie n'est pas en reste côté forêt primaire (ou forêt vierge). Mais ces grands espaces boisés sont de plus en plus convoités et il est bien difficile pour un arbre centenaire de se défendre face aux bulldozers et autres tronçonneuses. Quelques chiffres difficiles à écrire : avec ces incendies, l'Indonésie est le troisième producteur mondial de gaz à effet de serre derrière la Chine et les Etats-Unis. On estime que chaque année, la forêt est amputée de 18,000kms² soit 1.5 fois l'Ile de France. Outre les impacts directs comme les fumées toxiques, de nombreuses espèces endémiques voient leur habitat s'envoler en fumée dangereusement, l'orang-outan étant l'un des animaux le plus souvent mentionné. Enfin, le clou du spectacle sur ces planches vermoulues de chiffres nauséabonds c'est que 88% de l'exploitation forestière Indonésienne est illégale, rendant le contrôle de cette activité quasiment impossible. Rien de tel que des images pour illustrer ces propos, voici une vidéo de GreenPeace réalisée en 2010.



Pour revenir aux retombées sur Singapour, le haze a fait les gros titres pendant les quelques jours de panique à bord, les Singapouriens se remémorant les difficiles étés qu'ils avaient vécu en 1997 et en 2006. Par chance, j'en parle au passé maintenant puisque la crise n'a finalement duré que quelques jours contrairement aux 3 mois de calvaire vécus en 1997 par exemple. La blogosphère française a également rapporté ce problème avec de nombreux posts à ce sujet, dont en autre : Asphyxiés par le Haze à Singapour d'Erika, Haze! d'Adeline ou encore Haze mon amour… de Merichan.


Pour ce qui est des images de Singapour, voici ce que nous pouvions voir depuis notre appartement. Première photo prise en début de journée avec l'apparition du voile, seconde photo un petit peu plus marquée et dernière en plein brouillard. Vous pouvez voir l'évolution en termes de visibilité, certains bâtiments disparaissant du paysage.


Comme bien souvent, nous avons vu fleurir de nombreuses publicités plutôt originales sur ce thème. StarHub par exemple, proposait de réunir votre famille... devant leurs programmes télévisuels. "Nous ne pouvons pas enlever la brume, mais heureusement nous pouvons réunir votre famille". Chic alors, heureusement que la télé est là !


Autre solution, fuir Singapour. Scoot (compagnie Low Cost de Singapour Airlines) utilisait l'acronyme WTF habilement traduit en What The Fog pour inciter au départ vers d'autres horizons.


Bien entendu, WWF n'a pas laissé passer l'occasion et en a profité pour rappeler que le fléau de l'huile de palme ne se limite pas au Nutela, mais que sa propagation dans notre quotidien va bien au delà. "Votre shampoing peut aussi contribuer à la brume."


Des parodies ont également vu le jour sur la toile, ma préférée étant celle-ci : Hazy en reprise de Crazy. Difficile pour moi de vous raconter dans l'intimité cette crise écologique, ayant quitté le territoire Singapourien 2 jours avant le coup de feu du départ et étant revenu après les gros pics de pollution. Ce que nous pouvons en retenir c'est que finalement Singapour n'est pas à l'abri de tous les dangers et malgré son importance politique dans la région d'Asie du Sud-Est, le pays ne pouvait pas grand chose face à l'Indonésie. Autre fait marquant : la rupture des masques N95. Le gouvernement a été pris de court - évidemment, les Indonésiens n'allaient pas non plus envoyer des cartons d'invitation pour prévenir - du coup nous avons assisté des scènes de guerre comme les longues files d'attentes au pied des pharmacie pour acheter les fameux masques rationnés. Et bien entendu, le côté business-opportuniste des Singapouriens est ressorti très rapidement avec des ventes sous le manteau de masques à des prix prohibitifs. Vraiment, on ne peut rien faire contre cela... C'est dans leurs gènes et cela ne les gène pas.

Mais le pire à mes yeux, est de constater que l'effervescence créée sur le moment est retombée comme un soufflet une fois la vague de pollution matée. Il y a bien eu des pétitions contre le Nutela, des appels au boycot, mais au final que reste-t-il de ces belles paroles prononcées il y a de cela un mois ? Pas grand chose. Les consommateurs continuent de consommer, la prise de conscience écologique a été une aventure de passage pour la plupart des habitants de ce pays. Et le pire encore, c'est que les feux ne sont pas forcément arrêtés, ils ne sont simplement plus visibles. Les vents ont tourné, la pluie est revenue (notamment artificiellement, grâce aux danses de la pluie du gouvernement Indonésien) permettant ainsi de fixer les particules sur place. Les plus à plaindre dans tout cela sont les habitants de Sumatra, au cœur de ce calvaire et sans la couverture médiatique offerte à Singapour. Loin de moi l'idée de me muer en donneur de leçon, mais je pense qu'une certaine décence aurait été nécessaire parfois dans les discours bien lisses tenus par de nombreux Singapouriens. "Notre maison forêt brûle et nous regardons ailleurs", belle adaptation d'envolée lyrique mémorable aux retombées tangibles limitées au fil du temps.

Enfin, impossible de terminer ce post sans un hommage au chef d’œuvre de M. Coppola avec notamment la scène inoubliable du monologue de Marlon Brando sur l'horreur de la guerre.


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