La vie est pleine de défis qu'il faut relever au quotidien: se retrouver nez à nez avec un chauffeur de taxi qui ne comprend pas l'anglais, découvrir, la bouche en feu, que le mot "spicy" couvre une palette incroyable d’intensités, affronter de microscopiques fourmis dans sa cuisine, braver les soudaines trombes d'eau armé uniquement de sa conviction, d'une sacoche de bureau et d'une incroyable naïveté ("après tout, je ne suis pas en sucre. Ce n'est pas une petite pluie qui va m'arrêter"), etc.
Et puis, il y en d'autres. Ceux que l'on s'impose. "Et si je faisais une petite course à Singapour, histoire de garder la forme!?" Bien entendu, la "petite course" en question peut elle aussi couvrir une vaste étendue de distances, ajoutez à cela une soudaine montée de testostérone au moment de l'inscription et vous obtiendrez une participation à un marathon quand au début vous partiez pour un simple et banal semi. Ce jour là, j'aurai mieux fait de faire tourner sept fois le fil-usb de ma souris autour de mon écran avant de valider l'inscription en ligne.
Début Janvier 2011, me voilà donc engagé pour le Sundown Marathon prévu fin Mai. Comme à l'accoutumée, je me dis que j'ai cinq mois devant mois et que je suis "laaarge" et pourtant, un marathon ce n'est pas comme un oral de management technologique, cela ne se prépare pas à la dernière minute. Après avoir décalé le début de ma préparation pour le marathon, je suis arrivé à la conclusion qu'il me fallait bien au moins 8 semaines en suivant un plan intensif pour pouvoir espérer combler le handicap météorologique.
Et la préparation fût difficile! Six jours par semaine (Mais mon dieu qu'elle est belle!), un programme à suivre avec la rigueur d'un métronome en évitant les entorses au règlement: pas d'alcool sur les trois derniers mois précédents la compétition, pas d’excès de sucreries, une alimentation variée et des nuits réparatrices (si la télévision à côté de ma chambre me le permet...). Clairement, le sommeil a pêché mais avant tout car j'arrivais souvent assez tard à l'appartement (vers 19h30-20h) avec la motivation dans les chaussettes de bureau au moment où il fallait que j'enfile celles de sport.
D-day, le samedi soir. Arrivée sur les lieux vers 19h et déjà une grosse ambiance et surtout beaucoup, beaucoup de monde. L'organisation avait décliné plusieurs épreuves avec un 10kms, un semi marathon, un marathon et un ultra-marathon qui lui se courrait quelques semaines après (histoire de pouvoir s'inscrire sur les deux grandes courses pour les plus fêlés de la cafetière).
D-day, le samedi soir. Arrivée sur les lieux vers 19h et déjà une grosse ambiance et surtout beaucoup, beaucoup de monde. L'organisation avait décliné plusieurs épreuves avec un 10kms, un semi marathon, un marathon et un ultra-marathon qui lui se courrait quelques semaines après (histoire de pouvoir s'inscrire sur les deux grandes courses pour les plus fêlés de la cafetière).
Bolé Malaysia!!! |
Le fameux stand de pâtes était là, plusieurs petite échoppes de gel de la dernière chance également, et aussi quelques stand de saucisses-frites bien grasses qui donnaient plutôt la nausée qu'autre chose. Décidément ces asiatiques sont fans de friture, même lors de compétitions sportives. Une scène projetait la finale de la Ligue des Champions pour les familles qui attendaient leurs coureurs. Dans la foule des compétiteurs, bon nombre d'entre eux avaient revêtu le t-shirt/marcel de course fourni par l'organisation, les autres étaient soit membres d'un club de course, soit des sportifs du dimanche habillés comme des professionnels. Et oui, le sport en Asie, c'est aussi une bonne occasion de faire du shopping! Par la même occasion, les tenues en lycra, cardiometres hygrométriques, et autres gaines de circulation étaient légion. Si seulement ils courraient aussi bien qu'ils ne s'équipent...
Scène de préparation |
Dernier petit somme avant la course |
Le départ s'annonçait; un petit peu comme un chien au milieu d'un jeu de quilles, je me sentais perdu au milieu de tous ces gens. J'avais comme ambition de terminer autour des 4 heures (ce que j'avais fait à Annecy) tout en mettant une limite d'acceptation psychologique: jusqu'à 4:30 c'est pas mal mais il ne faudrait pas monter au dessus. Au fur et à mesure que je m'approchais de la ligne de départ, je cherchais les fameux "lièvres", les métronomes du marathon, ceux qui vous déposent sur le chrono souhaité. Je vis facilement ceux des 6 heures (gloups!), j'aperçus loin devant le groupe plus restreint des 5:30 (re-gloups!) pour enfin me retrouver propulsé sur les premières rangées en ayant demandé de me joindre au groupe des 4 heures. Si à Annecy j'étais fondu dans la masse, à Singapour le gruppetto des 4 heures apparaissait comme la barrière amateurs-professionnels de la course. Les 10 coups de dix heures à peine retentis que... Pan! Le départ est tiré, les foulées s'enchainent. Il fait chaud, très lourd mais le fait de courir procure un courant d'air naturel salvateur. Courir la nuit est un petit défi en soit, car à la même heure depuis plusieurs semaine, j'étais tranquillement dans ma chambre à Novena. Les premiers 10km tombent, les sensations sont bonnes, la partie soporifique de l'aller est passée (ie la grand ligne droite de l'aéroport) et je commence déjà à apercevoir le Kenyan volant sur le chemin du retour. "On track" me dis-je naïvement. Au 19ème kilomètre, un "salut Clément!" me surprend soudain. Laurent, un de mes collègues français me dépasse paisiblement, sur un rythme de footing du dimanche. On papote un petit peu, il m'explique qu'il est arrivé en retard pour le départ à cause des embouteillages, mais il ne semble par perturbé par ce coup du sort des transports. J'essaye d'emboiter le pas mais la foulée est rapide et je préfère le laisser partir devant. et puis, c'est aussi une façon de marquer le respect que j'ai pour mes aînés. Je le laisse donc filer devant en éclaireur et me contente de faire mes gammes à mon allure. Enfin, tout ça c'était avant le drame, bien entendu. Avant le demi-tour au passage du semi, je commençais à me sentir faible, un petit peu léger sur mes jambes. J'essaye donc d'avaler un gel, mais impossible. La sensation en bouche me monte à la gorge et je suis à deux doigts de régurgiter au beau milieu de la course. Fichtre, le coup de pompe à mi chemin! Plus de jambe, plus de gaz, plus d'énergie et pas moyen de réenclencher la machine. A ce moment de la course, c'est très dur. Je suis arrêté sur le côté, j'essaye de boire un petit peu et de repartir mais les jambes ne suivent pas et je suis (déjà) en train de sentir des muscles dont je soupçonnais l'existence. Mais le pire est de se dire qu'il reste 21kms à parcourir, et que si je dois les faire en marchant, j'arriverai vers 4 heures du matin si je tiens une marche active à plus de 5km/ heure. Dur, vraiment dur. Alors le mental doit reprendre le dessus. Pour ce faire, j'essayais d'alterner des foulées en trottinant avec des marches rapides en m'hydratant beaucoup pour éviter une double peine. L'entrainement avait été laborieux et je m'en voulais de m'être tiré une balle dans le pied à cause de l'alimentation. Incapable de finir mon assiette de pâtes, je n'avais rien avalé pendant 9 heures, inquiet d'être malade pendant la course, un comble! Finalement, le temps s'est écoulé malgré la difficulté. Mon objectif de terminer aux alentours des 4h30 s'est évaporé au 35ème kilomètre et j'ai dû lutter pour terminer les derniers kms parcourus dans le noir et l'anonymat total. L'ambiance était logiquement moins présente que lors d'un marathon de joue. J'étais même assez surpris dde croiser des familles entières attablées sur East Cost Park après minuit. Puis soudain, la lumière, dernier virage avant grand ligne droite. Piqué au vif par mon impuissance, j'ai effectué le dernier kilomètre au sprint face à un adversaire qui me collait aux basques, pour le lâcher dans les derniers mètres. Le chrono me narguait et affichait comme une sentence les 5:05:00 qui me séparaient de mon départ. Malgré la cassure au beau milieu de la course, je me sentais bien à l'arrivée, presque frustré de ne pas avoir fait mieux et à la fois content que l'enfer soit derrière moi. Cela a été la course la plus dure de ma jeune carrière de coureur, loin devant la SaintéLyon ou encore Annecy. Premier marathon à Singapour et beaucoup d'expérience accumulée. Pas assez pour me relancer sur cette distance à court terme, mais suffisamment pour avoir envie d'enfiler les chaussures début décembre pour le semi du Standard Chartered de Singapour. Affaire à suivre...
Statistiques sur le site du Marathon: mon arrivée |
Les dernières statistiques: le Mur |
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