lundi 21 décembre 2015

TDM 01 Inde - Le ciel, le soleil et Jaisalmer (5/6)


Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'y a pas la mer à Jaisalmer, mais un grand ciel bleu, du soleil comme s'il en pleuvait, et du désert tout autour de la ville. Bienvenue dans une ville autrefois empruntée par les caravanes de marchands et qui depuis la scission Indo-Pakistanaise de 1947, a dû se reconvertir pour exister. Deux activités principales caractérisent la ville aujourd'hui: le tourisme et l’armée. A défaut d'avoir pu rencontrer des petits soldats, nous nous sommes concentrés sur notre statut de touriste.


J'avais le choix entre le classique surnom de " ville d'or " (Golden City) en raison de sa couleur, ou bien une comparaison osée avec une célèbre ville française fortifiée également, Carcassonne. Jaisalmer serait donc la Carcassonne Indienne, avec sa forteresse (pardon, son fort), sa citadelle imprenable et cet accent Indien à couper au kirpan*. A noter que la ville est de taille modeste avec environ 70,000 habitants contre plus de 16 millions pour Delhi par exemple.


Les Indiens faisant un complexe de supériorité comme beaucoup de pays asiatiques, Jaisalmer n'est pas une simple ville fortifiée mais l'une des plus grandes au monde.


La ville étant de taille modeste, la vie s'articule autour du fort qui fait office de repère visuel, un petit peu comme les montagnes pour les Grenoblois. Une fois à l’intérieur, la balade sur les remparts offre de nombreuses prises de vue sur les maisons environnantes. Pas d'immeubles démesurément hauts à l'horizon, ce qui permet à la ville de garder son charme d'origine.


Intérieur de la citée fortifiée


Curieusement, les murs de la citée intérieure était quasiment tous recouverts de représentations de Ganesh, le Dieu éléphant. Du coup, je me suis amusé à photographier celles que je préférais.


Hache à gauche, fleur à droite, ou vice et versa, mais toujours la trompe du même côté


En tout cas, le petit rat aux pieds de Ganesh est presque toujours là !


Et parfois, ce petit rat devient grand, si grand que Ganesh s'en sert de rat de course. Sur ces deux photos, la notion d'argent apparait, ces représentations étant sur les murs de magasins. Sur la photo de gauche, Ganesh & son rat acceptent la VISA et à la place des traditionnelles offrandes, on voit un terminal de paiement électronique. #alapointe


Intérieur de la citée fortifiée, en face des temples jaïns


La citée fortifiée abrite plusieurs temples jaïns, visitables seulement certaines heures de la journée


Ces temples sont magnifiques, ornés de sculptures à l’effigie de leurs nombreux Dieux. On y trouve de tout, du Bouddha, du Ganesh, avec deux bras, quatre bras, six bras.


Le cœur du temple et l'une des urnes à donations (je reviendrai sur la définition indienne)


Quelques portraits de statues : un Ganesh, un paon, un moustachu


D'autres sculptures : un couple avec une femme contorsionniste, un Bouddha bien pâle, d'autres statues empilées.


Perspectives - Alex Térieur


Perspectives - Alain Térieur


Les ruelles de la citée fortifiée : elles étaient petites et sinueuses, mais tout de même empruntées par les deux roues et quelques vaches. Elles desservaient beaucoup de petites échoppes qui étalaient une partie de leurs biens sur les murs extérieurs, elles débouchaient sur les hôtels, et conduisaient aux terrasses des restaurants.


Frise murale aperçue à l’intérieur du musée du Fort


Dans ce même musée, il y avait des photos de classe de maharadjas du début du XIXème siècle dont certains donnaient vraiment l'impression de sortir de contes pour enfants. (1) celui-ci se demandait ce qu'il faisait ici, (2) lui était venu malgré une rage de dents, (3) lui représentait la partie Sino-Indienne, (4) vous avez devant vous le designer officiel du chapeau de police de NYC, (5) ce maharadja avait oublié son turban et s'en était fait un de fortune avec un torchon de cuisine, (6) lui avait la plus noble pose pour la photographie avec son sabre, ses fines moustaches et son regard sur le côté, (7) enfin, un chef de gare s’était discrètement incrusté pour la photo de promo.


Il y avait aussi le premier maharadja hypster (1), des envoyés spéciaux de sa Majesté représentant pleinement le gentleman anglais (2), mais aussi un vieux grincheux (3) - il en faut toujours un - (4) celui-ci boudait car on ne lui avait pas dit que le thème du premier rang était la moustache, un autre maharadja posait fièrement avec son sabre et sa montre dorée sur la poitrine (5), tandis que ce dernier (6) était tombé dans le panneau : il avait accepté l'invitation pensant que c’était pour un diner et pas pour une photo.


Le penseur de Rodin Rohit & le drapeau de la ville de Jaisalmer


Un café proposant une vue sur la ville - Tout devient possible ici


L’arrière du fort et toujours ces murailles


On vient à Jaisalmer pour voir le fort, mais aussi pour profiter du désert. L'une des attraction consiste à faire une sortie en chameau (ou dromadaire, je n'arrivais pas à compter le nombre de bosses), et de rester dormir dans le désert.


Après avoir pris la route pour une petite heure, en direction du Pakistan, on commence à voir de plus en plus de sable et de moins en moins d'habitations. En peu de temps, on se retrouve totalement submerge par cet océan de silice.


Nous avions opté pour la sortie en chameau, balade dans le désert jusqu'au coucher du soleil et retour à l’hôtel. Au niveau du retour d’expérience, je ne recommanderais pas la pratique du chameau sur de longues distances, le chameau-chage s’avérant inconfortable sur la durée. Le faux rythme de l’animal marchant sur le sable, donne l’impression d’avancer par à-coups, et quand vous enfourchez la bête en étant à l’avant sans avoir d’étriers aux pieds, ce n’est ce qu’il y a de plus confortable. Pour le reste, c’est plutôt plaisant, l’animal culmine à plus de 2 mètres au garrot et vous offre une belle perspective sur les paysages désertiques.


Petit lézard aperçu par chance dans le sable, alors qu’il s’enfouissait. Après des années de pratique sur gecko à Singapour, et un peu de patience, j’ai réussi à délicatement attraper ce petit malin reptilien.


Coucher de soleil - la photographie parle d’elle-même


Et enfin, après neuf jours à parcourir le pays, il était temps de rentrer et de se préparer au dernier défi : les 18 heures de train pour relier Jaisalmer et Delhi, dix-huit longues heures pour vérifier la solidité de nos défenses naturelles, mettre à l’épreuve notre patience face au bruit, aux odeurs, à la saleté également. 


Premier défi : trouver notre place,  non pas dans cette société mais dans le train ! Quand nous avions réservé nos places de train, nous savions que nous ne serions pas à côté, sans toutefois savoir dans quelle proportion. Allions-nous être dans le même compartiment, dans le même wagon ? Ce document sortant tout droit des années 60, était imprimé et scotché sur les portes des wagons. Nous étions finalement éloignés de 2 compartiments, j’avais une place en hauteur dans le couloir et Aude une place en hauteur dans une cabine. Et comme vous pouvez le voir, elle était entourée d’hommes.


Comme nous sommes arrivés en avance, nous en avons profité pour explorer la gare et regarder de plus près le train que nous allions emprunter. La cabine du conducteur avait la particularité de se trouver sur la partie arrière de la locomotive, ce qui explique pourquoi les trains indiens sonnent le klaxon toutes les deux minutes : le conducteur ne voit que 50% de la voie. C’est aussi pour cela qu’il est souvent assisté d’un co-conducteur. Sur la photo de droite, vous pouvez vous rendre compte de la vue du conducteur.


Sur la droite, vous pouvez voir la locomotive et le klaxon de compétition installé sur le toit. Sur la photo de gauche, vous avez un aperçu du wagon commun, also known as Unreserved 2nd Class. Ces wagons sont sans climatisation, sans place réservée et surtout en place assise. Plusieurs classes sont disponibles en fonction des trajets, il y en avait 5 différentes dans celui-ci.


En plus de la Unreserved 2nd Class, il y avait une Sleeper Class (couchette sur 3 étages et sans climatisation), une Air-Conditioned 3-Tier (couchettes sur 3 étages avec la clim), une Air-Conditioned 2-Tier (couchettes sur 2 étages avec la clim) et enfin la Air-Conditioned 1st Class (petit compartiment fermé climatise avec des lits plus grands). Nous avions opté pour la AC 2-Tier, que vous pouvez voir sur les photos. Il y avait 2 places dans le couloir, et 4 places dans le compartiment, le tout avec des rideaux pouvant isoler les voyageurs du couloir. Et des bruits de couloir, on peut dire qu’il y en a eu. Quand nous avons vu que nous n’étions pas à côté, nous avons essayé de discuter avec nos voisins pour voir si nous pouvions échanger nos places. Le problème étant que nos places en hauteur n’étaient pas les plus attractives, et que la mienne en particulier cumulait le désavantage d’être en hauteur et dans le couloir. Nous essuyâmes des nons-négatifs, nous heurtant aussi à la barrière de la langue avec une bidasse. Mais nous ne perdîmes pas espoir car après avoir discuté avec d’autres passagers étrangers, nous nous aperçûmes qu’une bonne partie d’entre eux descendait au prochain arrêt, 3 heures après le départ du train. En recroisant les données affichées sur les portes, nous pouvions voir les noms des passagers et leur trajets. Nous primes notre mal en patience, et au premier arrêt, nous vîmes avec satisfaction la moitié du wagon descendre. L’arrêt dura plusieurs minutes, nous avions déja fermé les portes à double tour pour empêcher les éventuels nouveaux passagers de grimper à bord. Puis le train redémarra doucement et après 5 bonnes minutes de marche, nous pensions avoir le reste du train pour nous jusqu’à Delhi. En effet, les passagers étaient descendus dans la ville indiquée sur la feuille de bord, et il n'y avait que quelques sièges qui possédaient plusieurs noms de réservation, indiquant une utilisation optimale de la place. Nous commençâmes à nous installer confortablement dans notre mini-compartiment de 4, j'avais fait les lits en utilisant les couvertures inutilisées de nos voisins, les plateaux repas avaient des allures de plats quatre étoiles, et nous nous disions que finalement, ce n’était pas la mer à boire de voyager en Inde. #ONETAITCHEZNOUS. Mais tout ça, c’était avant le drame, bien entendu. Le drame, c'est que le train c'est arrêté quelques minutes après dans une autre gare de la ville en question, et que tout à coup il s'est de nouveau retrouvé plein. Imaginez des familles indiennes, débarquant avec des montagnes de valises, bloquant les couloirs, ne comprenant pas pourquoi des étrangers étaient installés à leurs places. Nous dûmes partir à regret de notre compartiment, nous allâmes à d'autres places vides côte à côte que nous avions repérées près de la porte. Et après nous être de nouveau installés, le cauchemar continua et deux nouveaux quidams nous firent comprendre que nous empiétions sur leurs places respectives. Il y eut un moment de lassitude, les plats en sauce étaient devenus froids et avaient été balancés de droite à gauche sans trop de ménagement (traverser un couloir plein de valises avec deux sacs de 15kg et un plateau en plastique, le tout dans un train en mouvement, vous voyez le tableau). Nous reprîmes nos places originales, récupérâmes tant bien que mal des draps et couvertures dans le chaos. Au petit matin, nous fûmes réveillés par le vendeur de thé qui parcourait les couloirs en hurlant évidemment. Mes rideaux étaient fermés mais il se permit de passer la tête dans mon espace ! Autant vous dire qu'il prit une soufflante. Et puis finalement, après 18h de train, après beaucoup de bruit et de déconvenues, nous arrivâmes dans la ville de nos rêves, Delhi. Il était temps de dire au revoir à l'Inde et de penser à notre prochaine étape : le Laos. Pour conclure, un peu de musique d'un autre siècle avec le tube de François Deguelt. Suite au prochain et dernier épisode sur l'Inde : TDM #01 Trip to India - Les bonus !


*Kirpan : épée ou couteau porté(e) par les Sikhs**
**Sikhs : pratiquant de la religion sikhe, le sikhisme. Le sikh croit en un Dieu unique, le Créateur. Son unique objet de dévotion est le Livre saint, le Guru Granth Sahib. La prière, la gentillesse, les bonnes actions doivent peupler sa vie. Un écrit de Guru Amar Das dit : le sikhs se lève tôt le matin, fait ses ablutions, lit les hymnes sacrés (les gurbanis), fait ses actes pour Dieu et non pour lui et aide les autres autant qu'il peut.

Déjà parus sur l'Inde : TDM #01 Welcome to India!

2 commentaires:

  1. merci pour ce voyage à Jaisalmer; en fait nous avons visité cette petite ville en 1965, atteinte en 2 Cv à partir de Delhi où nous résidions.
    Soudain la ville fortifiée apparut à l'horizon comme un mirage; à cette époque aucune construction en dehors des remparts.
    surtout vous nous avez fait découvrir les temples Jains inaccessibles à cette époque. Delhi n'avait que 5 millions d'habitants, un autre monde.
    Bernard et Marie France Paulien

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    1. Bonjour Marie-France et Bernard,
      Merci pour votre témoignage d'une Inde d'un autre temps, voire même d'un autre siècle. L'Inde se développe inexorablement, avec plus ou moins de réussite. C'est intéressant de pouvoir constater ces changements au fil du temps.

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