Singapour est souvent appelée "la petite Suisse de l'Asie" et pour bien des raisons : une propreté à toute épreuve, une situation économique florissante, un haut lieu de transactions bancaires, et une place à part entière au milieu des pays voisins. Il ne manque plus qu'un savoir faire dans le chocolat et une industrie de l'horlogerie de prestige et vous aurez une jaune-pâle copie des cantons helvètes. Toutefois, malgré tant de ressemblance, la propreté n'est pas partout. Et particulièrement en matière de propreté, vous allez comprendre.
L'avantage des anciennes colonies est qu'il y réside parfois des us et coutumes hors du temps, rappelant ainsi une belle époque lointaine ou soufflant un vent de nostalgie sur des temps révolus. Les maids en font partie, rappelant aux yeux sensibles des nouveaux arrivants que l'esclavage n'est peut être pas aboli. Une maid est une femme de ménage un petit peu particulière, dans la mesure où c'est un petit peu la bonne à tout faire des Singapouriens. Ménage, courses, garde des enfants, ménage encore, et cela sans interruption. Non, Cendrillon n'est pas issue d'un conte de Disney. Elle vient des Philippines, n'a pas de prince charmant et travaille même le dimanche. On estime à 150,000 le nombre de maids travaillant sur l'ile. La moitié de ces maids proviennent de villages philippins, indonésiens ou malais, où sont restés enfants et conjoints. Ce déchirement est lourd, pesant et il ne reste bien souvent qu'une photo précieusement gardée au fond d'une poche ou d'un tiroir.
Une fois débarquée à Singapour, une première étape est indispensable à franchir : l'école de ménage. Il faut bien vous rendre compte d'une chose, ces femmes qui arrivent de la campagne profonde découvrent tout : elles doivent apprendre des rudiments d'anglais pour communiquer avec leurs futurs maîtres (elles répètent sans cesse "yes ma'm" même lorsqu'elles ne comprennent pas le sens d'une phrase), apprendre à manier un aspirateur, un micro-onde ou encore d'un fer à repasser. Autant de nouveautés à maîtriser rapidement pour prouver sa détermination à travailler. Leur professeur, loin d'être tendre, les chronomètre pour toutes les taches, les assène de litanies bien souvent humiliantes et dévalorisantes.
The Maid (2005), Kelvin Tong |
Professeur garant de la bonne formation et inversement proportionnel |
Le tarif dépend du pays d'origine et des compétences, mais reste ridicule: entre 300$ et 400$ par mois. Même s'il faut compter la prise en charge au point de vue nourriture et vie quotidienne, ce salaire semble plus proche de l'argent de poche que d'une réelle indemnité.
Nationalité, âge, éducation... Le tout avec un Smiley. |
Vous pouvez trouver votre maid en faisant vos courses dans un centre commercial, entre un coiffeur et un magasin de jouets. Les vitrines affichent les CV et lettres de recommandation des petites mains et vous pouvez faire votre choix sur catalogue, comme pour un quelconque bien de consommation.
Le temps de faire cet article et la "bonne affaire" était partie. |
A Chinatown, j'avais été intrigué par une ribambelle de jeunes femmes arborant un t-shirt jaune vif et regardant les passants par dessus leur rambarde. Puis, en m'approchant de cet étage, je m'étais aperçu de la raison de cette curiosité. Alignées sur des chaises à l'entrée de l'agence, elles attendent patiemment ce que leur réservera cette fois-ci le destin: une chambre sans fenêtre, sans climatisation, trop souvent sans intimité.
Quand je suis arrive à Singapour, j'avais passé une semaine dans l'appartement de ma société dans la plus petite chambre, aux portes de verre et de bois (bonjour l'isolation), sans air conditionné, et bien évidement en face de la cuisine. Par chance, cette chambre possédait des fenêtres. La lumière du jour ne me laissait pas de répit après 6h du matin, mais au moins j'avais de la lumière naturelle.
T-shirts jaunes au 2ème étage |
Les règles en vigueur sont assez strictes également. Le maitre est responsable des agissements de sa maid. A ce titre, il doit garder son passeport, prendre soin qu'elle ne fasse pas d'heures supplémentaires dans les red-lights locaux et s'assurer de ses fréquentations. Je ne sais pas précisément s'il y a des jours de repos hebdomadaires, ce que j'ai compris étant plutôt de l'ordre de l'accord au cas par cas.
La culture du continent joue aussi un rôle prépondérant, mais il faut aussi savoir contrebalancer avec la modernité affichée du pays. Dans certaines contrées d'Asie, il est très mal vu de ne pas avoir de maid. Effectivement, il est important de donner du travail, particulièrement quand vous êtes blancs, donc riches. Les conditions importent peu.
Et puis, après tout, la vie est tellement plus simple sans repassage, sans ménage, sans avoir à se soucier de la garde des enfants... J'ai entendu dire que certaines personnes invitées lors de soirées, pouvaient amener leur maid pour s'occuper des enfants ou prêter main forte à l'occasion. C'est fou comme l'on peut facilement perdre pied avec des principes tels que les droits de l'homme. Les bons côtés de Singapour parait-il...
je suis tant d'accord avec ta conclusion...
RépondreSupprimeret heureusement qu'i y a les parents en France pour faire le repassage pendant les vacances d'été!!
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