dimanche 24 juin 2012

J'traîne des pieds...

 

Depuis mon arrivée à Singapour, j'ai appris à m'acclimater en tant que "nouvel arrivant" dans un pays étranger. L'adaptation est une période clé de la situation d'expatrié (ie de personne sortie de son territoire d'origine) et elle scelle souvent la réussite ou non d'un projet. La vie à Singapour est facile, mis à part le climat pesant dû à l'humidité, la chaleur ambiante et la nourriture épicée, il n'y a pas de souci majeur à l'adaptation. Le reste est d'ordre culturel où le choc des civilisations vivant dans un espace confiné peut être plus difficile à vivre. Parlons-en de cet aspect culturel...
Le singapourien traîne des pieds. Voilà, c'est dit, cela vous semble peut être anodin mais cela a le don de m'irriter quand je me retrouve confronté à ce bruit. Mes parents m'ont toujours appris qu'il ne fallait pas traîner des pieds et je les en remercie. Quoi de plus désagréable et disgracieux que le son de souliers qui traînent lourdement sur le sol ? Quelles peuvent être les raisons de ce comportement ?

1. Un lobby de la part de l'industrie de la chaussure ?
Clairement, c'est la piste la plus probable. Imaginez une population entière qui traîne des pieds, cela vous fait une clientèle régulière assurée. Rajoutez à cela une paire de chaussures de qualité moyenne (pas besoin d'avoir une grande qualité puisque les semelles sont usées beaucoup plus rapidement !), vous avez un produit avec une très grande marge. La rentabilité est mère de tous les vices.

2. Un manque de motivation ?
Peut être que les singapouriens ne sont tout simplement pas motivés. Traîner des pieds est pour moi signe d'un manque d'entrain flagrant. Et puis, le soleil est harassant, il fait trop chaud pour travailler, à quoi bon lever les pieds en marchant !?

3. Un manque d'éducation ?
Avant tout, cela peut provenir d'un manque d'éducation. Remarquez, l'éducation est après tout une notion bien suggestive. Par exemple,éructer en public serait pris pour un geste extrêmement déplacé en France quand il s'agit d'une pratique courante par ici.

4. Une déformation génétique ?
A force de ne pas reprendre les enfants qui traînent des pieds, il se peut que la génétique s'invite dans ce comportement et prenne le pas peu à peu sur l'éducation. Dans un environnement où la jambe n'est pas entrainée à se lever pour se déplacer, le geste ne devient plus naturel et après plusieurs générations cette pratique de la marche peut être amenée à disparaitre. Dans le même genre, les chats naissent avec une queue atrophiée, les asiatiques ont les ongles qui poussent très vite et bientôt ils auront un port USB à la hauteur du nombril pour pouvoir recharger leur i-produits.

5. Une sorte de radar pour pouvoir se détecter entre eux ?
Mes premières semaines dans mon nouvel environnement professionnel ont été marquées par ce petit détail dont je me souviens maintenant. La configuration de nos bureaux en sorte de grand "open space" (id est une grande salle avec des cloisons à mi-hauteur plutôt que des petites salles fermées) me permettait de voir mes collègues sans pour autant parfois être vu, en raison de leur taille plus modeste. A défaut de pouvoir se servir de leur vue, ils se servaient de l'ouïe pour détecter la présence d'autres personnes aux intersections. A cet effet, ne faisant pas de bruit en me déplaçant, il ne fut pas rare de me retrouver au bord d'une collision et je dus aiguiser mon ouïe pour pouvoir pallier ce type de situation. On me fit également le reproche de me déplacer sans faire de bruit (si si, il faut le lire pour le croire). Mieux vaut entendre cela que d'être cul de jatte !

6. Un signe de puissance pour s’affirmer dans la meute ?
Puisque nous en sommes aux hypothèses les plus folles, regardons du côté animal. Le fait de traîner des pieds produit un bruit plus ou moins fort en fonction de l'âge, de la condition physique, de la paire de chaussures mais aussi du sol ou des conditions météorologiques. Un bruit prononcé forcera le respect des congénères et permettra de se frayer un chemin dans la foule. Nous pouvons percevoir cette attitude comme un moyen de s’affirmer en tant que mâle dominant au sein de la population, allez savoir. Aucune piste ne doit être négligée.

Malgré tous mes efforts, je pense que cette particularité comportementale ne devrait pas changer et il me faut savoir accepter nos différences. L'avantage, c'est qu'au bureau je peux deviner qui passe dans mon dos et qui vient me voir en fonction de sa démarche. Cela m'a servi l'an dernier aussi lors du Sundown Marathon pour courir plus vite que les asiatiques. Dès que l'un d'entre eux essayait de prendre ma roue, je passais sur les trottoirs le temps de l'entendre se prendre les pieds dans le tapis de béton.

Ayez l'oreille attentive et dites moi s'il en est de même par chez vous.


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